SOMMAIRE PARTIE JURIDIQUE

Introduction

 

Chap 1. Définitions des activités

Introduction

S 1. Notions générales

S 2. Qualifications juridiques des activités

S 3. Qualification des activités touristiques

 

Chap 2.  Formalités de déclaration

Introduction

S 1. Centres de formalités des entreprises

S 2. Répertoires professionnels

S 3. N° SIREN, SIRET et code APE

S 4. Activités exercées par les agriculteurs

 

Chap 3. Urbanisme et construction

Introduction

S 1. Constructions en milieu rural

S 2. Sécurité incendie (ERP)

S 3. Accessibilité des handicapés

 

Chap 4. Infos des consommateurs

Introduction

S 1. Signalisation touristique

S 2. Publicité des prix

S 3. Facturation des prestations

S 4. Publicité mensongère et mentions  

S 5. Utilisation d'une marque

S 6. Droits des consommateurs

 

Chap 5. Réglementation sanitaire

Introduction

S 1. Principes de la réglementation

S 2. Commerce de détail et intermédiaires

S 3. Formation à l'hygiène

S 4. Chambres d'hôtes

S 5. Tueries d'animaux

 

Chap 6. Statuts de l’entreprise

Introduction

S 1. Statuts et activités commerciales

S 2. Statuts et activités agricoles

S 3. Synthèse des sociétés et groupements 

 

Chap 7. Règles des activités

Introduction

S 1. Hôtellerie de plein air

S 2. Locations de logements meublés     

S 3. Chambres et tables d'hôtes

S 4. Activités équestres

S 5. Accueil enfants - Fermes pédagogiques

 

Chap 8. Réglementations diverses

Introduction

S 1. Responsabilité et assurances

S 2. Débits de boissons

S 3. Statuts des baux immobiliers

S 4. Vente de voyages ou de séjours

S 5. Lutte contre le tabagisme

S 6.  Paiement par chèques-vacances

S 7. Déclaration des touristes étrangers

S 8. Sécurité des aires de jeux

S 9. Réglementation des piscines

S 10. Utilisation de titres-restaurant

S 11. Fonds et clientèle

S 12. Activités des agents publics

S 13. Paracommercialisme

S 14. Droit de la concurrence

S 15. Création et gestion de site internet

S 16. Réglementation économique agricole

S 17. Aides à la création d'entreprise

S 18. Diagnostics techniques immobiliers

I    Accueil    I    Sommaire    I    Juridique    I    Fiscal    I    Social    I    Annexes    I    Nouveautés    I    Index alphabétique    I

Partie 1. LES ASPECTS JURIDIQUES DU TOURISME RURAL

 

Chapitre 1. Les définitions juridiques des activités d’accueil touristique en milieu rural

 

Section 2. Les différentes qualifications juridiques des activités indépendantes non-salariées

 

1. Introduction

Les activités touristiques en milieu rural doivent, comme toutes les activités professionnelles non-salariées, faire l'objet d'une qualification juridique.

D'une façon générale, les activités professionnelles non salariées sont organisées en quatre familles principales qui comprennent :

- les activités commerciales (§ 1), les activités agricoles (§ 2), les activités artisanales (§ 3) et les activités libérales (§ 4).

À ces différentes catégories, il convient d'ajouter les activités simplement civiles qui concernent notamment les loueurs de logements meublés sans prestation parahôtelière (§ 5) et de tenir compte de la théorie de l'accessoire (§ 6).

 

Cette qualification juridique est en effet indispensable afin de préciser notamment :

- le centre de formalités des entreprises auprès duquel les prestataires doivent déclarer leur activité,

- le répertoire professionnel auquel il faut éventuellement s'inscrire,

- le statut des baux applicable en cas de location de biens immobiliers,

- les tribunaux compétents en cas de contentieux,

- le type de société appropriée.

 

§ 1. Les activités commerciales

§ 2. Les activités agricoles

§ 3. Les activités artisanales

§ 4. Les activités libérales

§ 5. Les activités simplement civiles : cas particulier des locations immobilières

§ 6. L'application de la théorie de l'accessoire

 

§ 1. Les activités commerciales

 

2. Définition juridique des activités commerciales

La loi définit notamment comme actes de commerce :

- tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre ;

- tout achat de biens immeubles aux fins de les revendre, à moins que l'acquéreur n'ait agi en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux ;

- toutes opérations d'intermédiaire pour l'achat, la souscription ou la vente d'immeubles, de fonds de commerce, d'actions ou parts de sociétés immobilières ;

- toute entreprise de location de meubles ;

- toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par eau ;

- toute entreprise de fournitures, d'agence, bureaux d'affaires, établissements de ventes à l'encan, de spectacles publics.

Les actes de commerce sont définis par les articles L. 110-1 et suivants du code de commerce (codification des articles 632 et s. de l’ancien code de commerce).

 

Pour l'essentiel, les activités commerciales correspondent aux activités de distribution, de fabrication et de services. Les activités commerciales définies par le code de commerce font l'objet d'une formulation générale qui ne permet pas forcément d'appréhender concrètement les activités correspondant à cette qualification juridique.

D’un point de vue pratique, les activités commerciales comprennent notamment les opérations d'achat-revente, les activités d'hôtellerie et de restauration, les activités de location de matériel, les prestations de travaux d’entreprise pour le compte de tiers dans la mesure où celles-ci ne sont pas artisanales (V. ci-après).

La difficulté de cette définition repose sur le fait qu’elle ne comporte pas de liste limitative et exhaustive des actes de commerce. Il faut se reporter à la jurisprudence parfois ancienne, et aux commentaires doctrinaux, pour apprécier au cas par cas si les différentes activités exercées sont ou non de nature commerciale. Cela étant, la qualification commerciale de certains actes ne semble pas soulever de difficultés particulières.

Ainsi, tout achat de biens meubles (le terme meuble étant entendu au sens large de biens mobiles) pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés, est réputé constituer un acte de commerce. De même, toute entreprise de location de biens mobiliers est réputée constituer une activité commerciale.

D’une façon générale, les activités de restauration et d'hôtellerie sont également de nature commerciale dès lors qu'elles ne peuvent pas être comprises dans la définition juridique de l'activité agricole

 

3. Définition fiscale des activités commerciales

À ce titre, il ne faut pas confondre la définition juridique des activités commerciales, présentée ci-dessus, avec la définition fiscale des bénéfices commerciaux formulée par le code général des impôts (art. 34 et 35 du CGI).

Si l'ensemble des activités commerciales au sens juridique génère des recettes également commerciales sur le plan fiscal, l'inverse n'est pas nécessairement vrai. Certaines activités génèrent des recettes commerciales sur le plan fiscal sans nécessairement être commerciales sur le plan juridique. Concrètement, certaines activités peuvent générer des recettes commerciales sur le plan fiscal et correspondre sur le plan juridique, soit à des activités juridiquement agricoles (activités ayant pour support l'exploitation), soit à des activités simplement civiles.

Par exemple, la location de logements meublés (meublés de tourisme, gîtes ruraux, locations saisonnières ou locations de meublés pour l'habitation principale) génère des recettes commerciales sur le plan fiscal, mais le plus souvent, correspond, sur le plan juridique, à une activité simplement civile et non professionnelle. Cette qualification civile d'activités qui génèrent des recettes commerciales sur le plan fiscal est déterminante car les personnes concernées ne sont pas immatriculées au registre du commerce et non affiliées sur le plan social et donc non redevables de cotisations sociales.


§ 2. Les activités agricoles

 

4. Prise en compte de la diversification agricole

 

a. Notion juridique d’activités agricoles

L'ensemble des activités agricoles fait l'objet d'une définition juridique expresse adoptée par le législateur et codifiée sous l'article L. 311-1 du code rural, disposition issue de l'article 2 de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social.

Cette définition juridique de l’activité agricole va bien au-delà des activités traditionnelles de culture et  d’élevage. A ce titre, sont réputées agricoles cinq types d’activités avec :

- les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle,

- les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production,

- les activités qui ont pour support l'exploitation,

- les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle,

la production et la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d'exploitations agricoles.

La loi précise que les activités agricoles ainsi définies sont de nature civile.

 

La formulation générale de cette définition juridique de l'activité agricole nécessite d'être précisée afin de mieux appréhender son contenu. Certains commentaires doctrinaux distinguent très judicieusement :

- d'une part, les activités agricoles par nature qui correspondent aux activités de production de biens animaux et végétaux dès lors qu'il y a intervention dans le cycle biologique ;

- d'autre part, les activités agricoles par relation qui correspondent aux activités dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation (V. Dict. Perm. Ent. Agric., Etude sur l'activité agricole).

L’examen des travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1988  révèle que les activités agricoles par relation comprennent les activités de transformation, de commercialisation des produits végétaux et animaux de l'exploitation (activités dans le prolongement de l'acte de production) ainsi que les activités d'accueil à la ferme (activités ayant pour support l'exploitation) (V. déclaration du ministre de l'Agriculture devant le Sénat, JO. Débats, Séance du 17/11/1988, p. 1156).

L'analyse de cette définition juridique permet ainsi de mieux appréhender la sphère des activités agricoles. Cette définition législative apparaît ouverte et ne se limite pas aux seules activités agricoles traditionnelles de culture et d'élevage mais inclut un certain nombre d'activités périphériques. Il convient d'examiner plus en détail les différents volets de cette définition pour apprécier concrètement ses limites.

 

b. Activités de culture et d’élevage

Les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal constituent les activités d'élevage d'animaux et de culture de végétaux. A priori, ces activités n'appellent pas de commentaires particuliers tant le caractère agricole apparaît évident. Toutefois, il importe certainement de mieux cerner ces activités de production afin d'appréhender les limites de l'activité agricole.

En effet, les exploitants engagés dans la voie de la diversification touristique utilisent très souvent certains modes de production empruntés aux professions commerciales et artisanales qui font que le caractère agricole de leur activité n'apparaît pas toujours aussi évident. En toute hypothèse, il ne peut y avoir d'activités d'accueil touristique agricole que dans la mesure où des activités de productions animales et végétales existent réellement.

Selon l'article L. 311-1 du code rural, l'activité agricole suppose la maîtrise et l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle.

Cette définition apparaît particulièrement ouverte puisque :

- la production d'aliments végétaux pour nourrir les animaux n'est pas nécessaire,

- l'exploitation d'un support foncier n'est pas indispensable,

- la propriété même des animaux n'apparaît pas requise,

- l'utilisation des productions à des fins alimentaires n'est pas exigée,

- la maîtrise et l'exploitation du cycle complet de production ne sont pas indispensables. Il doit s'agir au moins d'une étape nécessaire au déroulement du cycle biologique.

Toutefois, cette définition ouverte n'est pas sans limite. A notre sens, il ne suffit pas d'intervenir sur des produits animaux ou végétaux pour considérer qu'il s'agit d'actes agricoles. Il convient certainement de distinguer selon la nature de l'intervention et le stade biologique au cours duquel l'intervention a lieu.

Des interventions ponctuelles et limitées sur des animaux et des végétaux produits par des tiers ne reflètent pas la maîtrise d'un cycle biologique. Ainsi, les interventions qui consisteraient en une seule manipulation matérielle (transport, traitement sanitaire...) ne constituent pas des activités agricoles.

De même, le séjour d'animaux et de végétaux limité à une période restreinte et sans véritable croissance sur l’exploitation n'apparaît pas correspondre à une activité agricole, sachant qu'aucune durée minimale n'est fixée par les textes.

 

c. Activités dans le prolongement de l'acte de production

En plus des activités de culture et d'élevage, la définition juridique de l'activité agricole formulée par l'article L. 311-1 du code rural comprend les activités qui sont dans le prolongement de l'acte de production. Cette formulation vise les activités qui comprennent notamment les opérations de transformation, de conditionnement et de commercialisation des produits animaux et végétaux issus de l'exploitation agricole et réalisées par l'entreprise agricole productrice. A ce titre, la qualification agricole se limite aux opérations qui concernent les produits végétaux ou animaux provenant de l'exploitation même de l'agriculteur.

De notre point de vue, lorsque les agriculteurs procèdent à la transformation de leur propre production, ces activités sont agricoles en vertu de la définition juridique de l'activité agricole formulée par l'article L. 311-1 du code rural. Il en est ainsi alors même que ces activités de transformation peuvent avoir des similitudes avec certaines professions artisanales notamment du secteur alimentaire. Cette qualification agricole a pour effet d'écarter la définition juridique des activités artisanales formulées par l'article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 et le décret n° 98-247 du 2 avril 1998. 

Dès lors que la qualification juridique agricole prévaut, cette solution emporte la double conséquence suivante :

- les agriculteurs concernés ne sont pas soumis à l'obligation d'immatriculation auprès du répertoire des métiers qui vise les personnes qui exercent une activité artisanale conformément à  l'article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 et le décret n° 98-247 du 2 avril 1998 précités ;

- ces mêmes agriculteurs qui procèdent à la transformation de leur propre production ne sont pas soumis à l'obligation de qualification artisanale qui vise certaines professions artisanales et non les agriculteurs ainsi que le précisent l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 et le décret n° 98-246 du 2 avril 1998.

Force est de constater que cette analyse ne fait pas l'objet d'un point de vue unanime puisque différents organismes soutiennent que les agriculteurs concernés devraient être soumis à l'obligation de qualification professionnelle applicable à certaines professions artisanales. Pour notre part, cette affirmation résulte d'une méconnaissance de la définition juridique de l'activité agricole.

Sur ce point l'article 2 de l'arrêté du 21 décembre 2009 relatif aux règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail, d'entreposage et de transport de produits d'origine animale et denrées alimentaires en contenant précise en ces termes : "Toute personne qui exerce l'activité de boucherie ou qui en contrôle l'exercice par une ou plusieurs personnes non qualifiées doit bénéficier du statut de boucher au sens du décret du 2 avril 1998 relatif à la qualification des activités artisanales. Sont notamment compris dans cette définition les ateliers de boucherie indépendants, les ateliers de boucherie intégrés à une grande ou moyenne surface, les ateliers de boucherie situés dans des exploitations agricoles". De notre point de vue, cet arrêté est en contradiction avec la définition législative de l'activité agricole s'il s'agit d'exiger que les agriculteurs transformant leur propre production aient un statut et notamment une qualification de boucher.

A contrario, les activités de transformation et de commercialisation qui interviennent sur des produits végétaux ou animaux provenant d'autres exploitations doivent être considérées comme non agricoles (sous réserve de l’application de la théorie de l’accessoire, V. ci-dessous). Ainsi, les interventions sur des produits végétaux ou animaux provenant de tiers après leur récolte ou leur développement n'apparaissent pas comme étant agricoles. Par exemple, le pressage de fruits, la transformation de viande ou d'autres matières premières (vinification de raisins, fermentation de lait...) constituent des opérations postérieures à l'acte de production agricole dès lors qu'il s'agit d'interventions sur des produits provenant d'autres exploitations.

Par ailleurs, il convient de s'interroger lorsqu'un producteur  agricole incorpore aux matières premières issues de son exploitation des ingrédients provenant d'autres entreprises. L'importance tant quantitative que qualitative des produits externes détermine certainement le caractère agricole ou non du produit final et de l'activité exercée.

De la même façon, il est permis de s'interroger sur la qualification à retenir lorsqu'un producteur vend des produits transformés dont il a assuré la production des matières premières végétales ou animales mais pour lesquelles des tiers (artisans ou industriels voire même d'autres agriculteurs) ont réalisé la transformation à façon. Dans cette hypothèse, l'importance de la valeur ajoutée provenant de cette transformation pourrait constituer un critère déterminant pour retenir ou non le caractère agricole de la production vendue.

Enfin, il faut noter la situation particulière des agriculteurs qui créent une entité juridique supplémentaire, le plus souvent une société commerciale, parallèle à leur entreprise de production, notamment pour réaliser les activités de transformation et de commercialisation. Dans ce cas, il apparaît que les activités concernées ne sont plus agricoles en raison de leur autonomie juridique. La notion d'activités dans le prolongement de l'acte de production ne saurait couvrir cette rupture juridique même si le lien économique est patent. Dans ces conditions, il convient d'en tirer les conséquences juridiques, notamment si les activités exercées sont de nature artisanale.

 

d. Activités ayant pour support l'exploitation

 

1/. Appréciation géographique ou économique ?

L’article L. 311-1 du code rural précise que sont agricoles les activités ayant pour support l'exploitation, sans plus de précision. L'examen des travaux parlementaires et des commentaires doctrinaux révèle que le législateur a visé à ce titre notamment les activités d’accueil à la ferme. Toutefois, la notion de support apparaît particulièrement délicate à définir. Cette notion peut être comprise de différentes façons.

Ce terme peut ainsi être entendu au sens physique et géographique. Sous cet angle, il suffirait que les activités de service ou d'accueil touristique soient matériellement situées sur l'exploitation et exercées par les agriculteurs concernés. Cette notion peut par ailleurs être entendue au sens économique. Dans cette hypothèse, il serait nécessaire que ces activités de service aient un lien étroit avec l'activité de production animale et végétale. Mais dans ce cas, pour reprendre les propos d'un commentateur, "comment découvrir une activité qui ait pour support l'exploitation sans être d'une certaine manière un prolongement de l'acte de production ?" (J. Derrupé. Rev. Trim. Dr. Com. 42.1989. p. 214).

 

2/. Interprétation économique de la notion de support par la Cour de cassation

Devant l’imprécision de la loi, la Cour de cassation a opté pour une interprétation économique de la notion de support dans deux affaires concernant le traitement social d’activités d’accueil touristique exercées par des agriculteurs sur leurs exploitations.

 

1°. Notion de support et restauration à la ferme

Dans une première affaire, les juges étaient saisis d'un contentieux d'affiliation sociale entre la MSA et l'URSSAF pour une activité de restauration exercée par un agriculteur sur son exploitation. L’agriculteur concerné s’approvisionnait de façon très majoritaire auprès de fournisseurs extérieurs et pour une faible part auprès de son exploitation. La Cour de cassation a ainsi précisé qu'en dépit de la localisation matérielle dans les locaux de la ferme, l'activité d'accueil n'avait pas pour support l'exploitation qui ne s'identifie pas aux seuls bâtiments, puisque les produits employés et consommés n’étaient pas tirés pour l'essentiel de l'activité agricole de l'exploitant concerné et a ainsi  confirmé la compétence de l'URSSAF au détriment de la MSA. Bien que concernant le champ d'application du régime social agricole défini par l'article 1144.1° du code rural (désormais codifié sous l’article L.722-1 du code rural), la décision de la Cour suprême nous semble transposable sur le plan juridique en raison de l'étroite filiation entre les définitions juridique et sociale des activités ayant pour support l'exploitation.

Dans cette affaire, les juges ont clairement opté pour une interprétation économique de la notion de support, à tel point qu'il apparaît bien délicat de distinguer les activités qui sont dans le prolongement de l'acte de production de celles qui ont pour support l'exploitation. En l'espèce, l'agriculteur a donc été qualifié de pluriactif, exerçant d'une part, une activité agricole de production animale et végétale, et d'autre part, une activité commerciale de restauration (Cass. 7/6/1995, n° 93-17495, Caisse de MSA de la Loire-Dosson c./URSSAF).

 

2°. Notion de support, location de gîtes ruraux et fermes auberges

Dans une seconde affaire, la Cour de cassation a précisé que pour la location de gîtes bien qu’installés dans les locaux d’une ferme, l’exploitation agricole n’était pas le support de la structure touristique. La Cour suprême a ainsi considéré que cette activité de location matériellement située sur l’exploitation n’était pas agricole au motif que l’activité se limitait à l’hébergement et que les produits de l’activité agricole n’entraient que pour une faible part dans l’activité d’accueil (Cass. 21/11/1996, n° 94-21765, Caisse de MSA c./ Epoux Bauchau, Bull. Civ. V, n° 398, p. 284). (V. désormais sur le traitement social des locations de meublés en milieu rural).

La modification du champ d’application du régime social agricole qui appréhende désormais les activités touristiques situées sur l’exploitation agricole, et non plus seulement celles qui ont pour support l’exploitation, ne devrait pas modifier l’interprétation quelque peu restrictive qui semble devoir être donnée à la définition juridique de l’activité agricole (V. sur le sujet).

En réalité, la plus grande incertitude persiste sur le contenu et les limites des activités agricoles ayant pour support l’exploitation. De nombreux praticiens continuent à recommander l’immatriculation au registre du commerce d’activités de diversification dont la qualification agricole aurait pu être envisagée. Il en est ainsi des fermes auberges dont l’immatriculation est assez souvent recommandée alors même que l’approvisionnement est principalement réalisé auprès de l’exploitation. Il est permis de s’interroger sur cette pratique, le plus souvent de précaution, alors qu’aucun contentieux n’a tranché la nécessité de cette immatriculation et qu’il ne semble pas que les conséquences de cette pratique aient été véritablement analysées (non prise en compte des revenus pour les aides à l’installation des jeunes agriculteurs, non obtention des permis de construire, application impérative du droit commercial, inapplication du statut du fermage...).

 

5. Activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle, sont des activités agricoles sur le plan juridique (art. L. 311-1 modifié du code rural). Cette extension de la définition juridique de l'activité agricole inclut un certain nombre d'activités qui correspondent à des prestations de service réalisées à partir d'équidés domestiques. Il en est ainsi alors même que les animaux concernés ne sont pas nés ni élevés au sein des entreprises concernées. Par équidés domestiques, il convient de comprendre les chevaux et les ânes.

La formulation du texte législatif n'est pas plus explicite sur le type d'activités concernées. Dans un premier temps, il était permis de penser qu’il s’agissait des mêmes activités que celles qui sont mentionnées par les différentes instructions fiscales publiées en matière d’imposition des bénéfices agricoles, de TVA et d’impôts locaux (V. sur le sujet). Cela étant, la définition fiscale est en principe indépendante de la définition juridique. D'un point de vue pratique, rappelons que ces instructions fiscales comprennent notamment les activités de dressage et d’entraînement, les activités de locations et de prise en pension ainsi que d’enseignement de l’équitation pour viser notamment les entraîneurs de chevaux et les centres équestres.

La publication de la circulaire du ministère de l’agriculture en date du 21 mars 2007 confirme cette divergence entre les définitions juridique et sociale, d’une part, et fiscale, d’autre part. Ainsi, certaines activités peuvent être agricoles sur le plan fiscal en générant des recettes relevant de la catégorie des bénéfices agricoles et être considérées comme commerciales sur le plan juridique et social (Circ. DGFAR/SDPS/SDEA/C2007-5014 du 21/03/2007).

La circulaire précitée procède à un recensement très complet des activités du secteur équin en précisant successivement le centre de formalités des entreprises compétent (et par là-même la qualification juridique des différentes activités), la nature fiscale des recettes et le régime social dont relèvent les personnes concernées. Même si ce document administratif n’a pas force de loi, il a le mérite de procéder à un inventaire complet et à une première analyse du traitement juridique, fiscal et social des activités de ce secteur, tout en faisant ressortir les divergences entre les différentes qualifications.

Il en est ainsi notamment des activités de prise en pension "pures" et de locations "pures" d'équidés, c'est-à-dire sans autre prestation, en considérant qu'il s'agit d'activités commerciales sur les plans juridique et social alors même que ces activités relèvent d’un régime d’imposition des bénéfices agricoles. D'un point de vue juridique, cette analyse est sans aucun doute pertinente puisque dans cette situation il n'apparaît pas que les prestataires en question réalisent des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation. Cette interprétation a été confirmée par la Cour de cassation qui estime que la location de biens immobiliers pour le seul exercice d’une activité de prise en pension ne peut pas relever du statut du fermage (Cass. 13/05/2009, n° 08-16421).

Cette situation fait ressortir un paradoxe évident puisque l'administration fiscale a clairement précisé que les prises en pension et les locations génèrent des recettes de nature agricole sur le plan fiscal (V. sur le sujet). Il est à noter également que la Caisse centrale de mutualité sociale agricole a pour sa part affirmé que ces activités ne relèveraient pas de son champ de compétence mais de celui du régime social des indépendants.

Bref, tout cela fait pour le moins désordre. A la décharge des auteurs de cette réforme, il faut noter que l'opération qui consiste à affirmer que des commerçants et des professions libérales deviennent désormais des agriculteurs est une mutation rare qui laisse inévitablement quelques scories. A la charge des concepteurs de cette "transmutation", il faut bien admettre l'impréparation de cette réforme sur le plan juridique, puisque l'objectif semblait avant tout de pouvoir relever de la fiscalité agricole, voire de faciliter l'obtention de permis de construire dans les zones agricoles. Les dernières jurisprudences rendues en la matière confirment que la qualification agricole des prestations réalisées dans ce domaine fait l’objet de limites plutôt restrictives.

En toute hypothèse, la consécration des activités devenues effectivement agricoles sur le plan juridique emporte une série de conséquences qui ne sont pas négligeables pour viser de nombreux domaines tels que notamment l'inapplication des différentes législations commerciales, la déclaration auprès des centres de formalités des entreprises des chambres d'agriculture, la mise en œuvre du statut du fermage, la création possible de sociétés agricoles, l'application du droit de l'urbanisme des zones agricoles, l'octroi des aides à l’installation des jeunes agriculteurs, les procédures judiciaires des entreprises agricoles en difficulté, l'application du contrôle des structures, l'intervention des SAFER (V. sur le sujet).

 

En dernier lieu, un arrêt de la Cour de cassation en date du 14/01/2015 semble avoir une approche extensive de la définition juridique agricole des prestations équestres en précisant que dans le cas d’une association dont l’objet est de fournir aux visiteurs des promenades avec des équidés présents sur les lieux mis à disposition par un syndicat et dont la nourriture et l'entretien incombaient à l'association, il s’en déduit que celle-ci assure la préparation de ces animaux en vue de leur exploitation. Dans ces conditions, il est considéré que l'association exerce une activité agricole et peut revendiquer le bénéfice du statut du fermage (Cass. 14/01/2015, n° 13-26380).  

A l’évidence, cette interprétation de la Cour suprême est plus souple que celle des services du ministère de l'Agriculture formulée au sein de la circulaire du 21/03/2007 selon lesquels « le terme de préparation recouvre outre le débourrage et le dressage, la notion de maintien en condition d'exploitation d'un équidé déjà dressé et entraîné » puisqu’en l’espèce l’association se limitait à nourrir les équidés. Autrement dit, l'acte de préparation semble pouvoir se limiter à un simple entretien courant de l'animal, dès lors que le détenteur des animaux assure effectivement leur exploitation, dans le cas présent par la fourniture de promenades.

 

6. Application de la notion d’accessoire aux activités de diversification

La définition initiale de l'activité agricole formulée par le projet de loi de 1988 précisait que les activités dans le prolongement de l'acte de production devaient être accessoires. Au terme des débats parlementaires, la définition adoptée a supprimé toute référence à la notion d'accessoire. De ce fait, plusieurs commentateurs estiment que les activités agricoles de productions animales et végétales ne doivent pas nécessairement être exercées à titre principal par rapport aux activités agricoles par relation (V. Dict. Perm. Ent. Agric ; Dupeyron (préc)).

Toutefois, d'autres auteurs soutiennent à ce jour que les activités agricoles par relation doivent nécessairement être accessoires par rapport aux activités agricoles par nature. (I. Couturier, La diversification en agriculture, Ed. L’Harmattan, 1994 ; B. Berry. Activités agricoles et droit civil. Rev. Dr. Rural. n° 199, janvier 1992 ; JP. Moreau JCP 93, éd. Not, II, p 148). Cette dernière analyse peut a priori surprendre en raison de la suppression du terme accessoire du projet de définition de l'activité agricole au cours des débats parlementaires.

A ce jour, la Cour de cassation ne semble pas s’être prononcée sur ce point afin de savoir si les activités de diversification peuvent éventuellement ne pas être accessoires par rapport aux activités de production animale et végétale pour conserver leur caractère agricole ou si, dans ce cas, les activités deviendraient commerciales. Une interprétation restrictive aurait pour effet de limiter l’ouverture de la définition juridique de l’activité agricole à la seule application de la théorie de l’accessoire qui a seulement pour effet de rattacher des activités considérées comme commerciales, voire artisanales, à l’activité agricole. Aussi, il est permis de s’interroger sur l’opportunité de cette interprétation lorsque les activités de diversification sont intimement liées à l’exploitation agricole et ont pour effet de valoriser de façon particulière les produits de l'exploitation en empruntant des méthodes de commercialisation permettant la réalisation d'une valeur ajoutée plus importante.

Force est de constater que sur ce point, il n’existe pas de consensus à ce jour. Il suffit d’examiner les travaux parlementaires de la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999 qui prévoyait de reformuler de façon très restrictive la définition juridique de l’activité agricole, à l'instigation de certains groupes de pression qui vivent mal le phénomène de diversification que connaît le secteur agricole, pour finalement aboutir à un retrait du projet d’article (Rapport Souplet n° 129, Sénat 1998-1999).

L'article publié en 2012 par les Chambres d'agriculture illustre parfaitement la difficulté d'appréhender cette notion d'accessoire s'agissant notamment des activités de vente directe complétée d'opérations d'achat-revente (V. le document).

 

B. La multiplicité des définitions de l'activité agricole  

 

7. Portée limitée de la définition juridique de l’activité agricole

La définition juridique de l'activité agricole, formulée par l'article L. 311-1 du CRPM, malgré l'incertitude de ses limites, apparaît comme une définition ouverte, qui tente d'intégrer les activités périphériques de diversification exercées par les agriculteurs, en lien plus ou moins étroit avec l'exploitation agricole. Cette définition fait reculer les limites de la pluriactivité en agriculture puisqu'un certain nombre d'activités de diversification relève désormais de la seule sphère agricole.

Cette définition, qui précise ainsi que les activités agricoles sont de nature civile, a, sans aucun doute, une incidence directe en matière de compétence juridictionnelle (compétence des tribunaux civils), de statut des baux (application du statut du fermage), de sociétés (l'objet des sociétés civiles agricoles devant correspondre à la définition de l'activité agricole).

Force est de constater toutefois que cette définition législative n'a pas la même portée pour certaines disciplines juridiques, telles que notamment le droit fiscal et le droit économique qui bénéficient d'une certaine autonomie. Seul le droit social a été partiellement harmonisé avec la nouvelle définition juridique de l'activité agricole.

 

8. Une définition sociale ouverte de l'activité agricole

D’une façon générale, il faut noter que la définition sociale de l'activité agricole (codifiée sous l'article L. 722-1 du code rural) est plus large que la définition juridique de l'activité agricole (régie par l'article L. 311-1 du code rural) (V. 3ème partie Champ d'application du régime social agricole). Ainsi, certaines activités de nature commerciale sur le plan juridique relèvent du régime social agricole (ex : entrepreneurs de travaux agricoles, paysagistes, entrepreneurs de travaux forestiers).  

Autrement dit, un agriculteur qui développe de nouvelles activités peut être pluriactif sur le plan juridique du fait qu'il exerce, d'une part, des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du code rural et, d'autre part, des activités commerciales telles que des travaux d'entreprises agricoles. Toutefois, celui-ci n’est pas nécessairement pluriactif sur le plan social puisqu'il peut relever du seul régime social agricole si les activités commerciales relèvent du champ d'application du régime social agricole.

S'agissant des activités touristiques, l'intervention du législateur par l'article 67 de la loi du 23 janvier 1990 a modifié le champ d'application du régime social agricole,  en s'inspirant très directement de l'article 2 de la loi du 30 décembre 1988. Ainsi, les activités qui sont dans le prolongement de l'acte de production, ainsi que celles qui sont exercées dans le cadre de structures d'accueil touristique qui ont pour support l'exploitation agricole, relèvent de la compétence du régime social agricole. Cette intégration des activités touristiques exercées par les agriculteurs a dû être appréciée en tenant compte de la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation. Désormais, il faut tenir compte de la dernière modification de la définition sociale de l’activité agricole intervenue en 2002 et précisée en 2003, qui appréhende les activités touristiques situées sur l’exploitation agricole et non plus seulement celles qui ont pour support l'exploitation au sens économique (V. n° 706).

Cette autonomie de la définition sociale de l’activité agricole conduit à une situation paradoxale puisque certaines activités touristiques peuvent être non agricoles sur le plan juridique  mais de tout de même relever du régime social agricole.

Par ailleurs, il faut noter que certaines personnes peuvent exercer une activité agricole sur le plan juridique sans pouvoir relever du régime social agricole à défaut d’atteindre les seuils d’affiliation exigés (V. sur le sujet). Il peut notamment s’agir de personnes qui sont dans ce cas redevables de cotisations de solidarité auprès du régime agricole sans bénéficier de la protection sociale de ce régime. Dans cette situation, il est permis de douter du caractère agricole des activités d’accueil touristique réalisées par ces personnes, tant sur le plan juridique que social  (V. sur le sujet).

 

9. Une définition fiscale "restrictive" de l'activité agricole

A l'inverse du droit social, le droit fiscal se cantonne à une définition de l'activité agricole plus restrictive que la définition juridique codifiée à l'article L. 311-1 du code rural. Ainsi, selon l'article 63 du code général des impôts (CGI) définissant les bénéfices agricoles et la doctrine de l'administration fiscale, l'activité agricole sur le plan fiscal se limite aux profits qui résultent de la vente de produits animaux et végétaux, auxquels il faut ajouter désormais les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation (V. 2ème partie sur la fiscalité).    

Autrement dit, les activités qui ont pour support l'exploitation, telles que notamment les prestations touristiques de restauration, d'hébergement et de loisirs génèrent, selon l'administration fiscale, des recettes qui relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, voire éventuellement de celle des bénéfices non commerciaux, et non de celle des bénéfices agricoles, même si ces activités sont juridiquement agricoles.

De même, les activités de transformation ou de commercialisation des produits de l'exploitation exercées par les agriculteurs qui ont recours à des procédés industriels et commerciaux étaient, jusqu’à récemment selon l'administration fiscale, de nature commerciale sur le plan fiscal, nonobstant leur caractère agricole et civil sur le plan juridique. Il est à noter que l’administration fiscale a quelque peu révisé sa position dans la dernière version de sa doctrine. L’administration admet désormais que les agriculteurs puissent employer certains procédés du commerce sans que les profits ainsi réalisés deviennent pour autant passibles de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Cette analyse ne vaut que pour la vente de produits issus de l’exploitation et non pour les activités d’accueil touristique.

Dans ces conditions, un exploitant agricole qui met en place des activités touristiques sur son exploitation peut être considéré comme exerçant des activités agricoles sur le plan civil mais être traité comme un pluriactif sur le plan fiscal puisqu'il ne peut pas relever de la seule fiscalité agricole pour l'ensemble de ses activités.

Pour reprendre les observations d'un expert autorisé, "il y a là une anomalie juridique d'autant moins explicable que la novation de 1988 a tenté précisément de réconcilier le droit avec le fait. Il est de moins en moins conforme à la réalité, aujourd'hui, de définir l'activité agricole comme la seule production physique de produits agricoles". Il apparaît particulièrement intéressant de rapporter ici l'analyse de cet expert, membre du Conseil d'État et ancien commissaire du Gouvernement en matière de contentieux fiscal auprès de la Haute Juridiction Administrative : "Compte tenu du caractère quasi tautologique de l'article 63 du code général des impôts (en substance : les revenus agricoles sont le produit d'une activité agricole), il est possible de soutenir, non seulement que les termes de cet article ("l'exploitation de biens ruraux") ne sont pas incompatibles avec la définition civile donnée par la loi de 1988, mais encore qu'il faut se référer à cette dernière définition pour déterminer le contenu à donner à l'article 63 qui est presque une "coquille vide".

Dans ces conditions, il n'y aurait pas lieu de modifier l'article 63, mais seulement les instructions administratives qui, aujourd'hui, sous réserve de la jurisprudence, précisent les éléments de la définition fiscale de l'activité agricole" (V. Jean GAEREMYNCK, Maître des requêtes au Conseil d'État, auteur d'un rapport au Premier ministre sur la pluriactivité en 1993 : Propositions pour faciliter l'exercice de la pluriactivité dans le monde rural. DATAR - Avril 1993). Cette interprétation particulièrement novatrice de la combinaison des différents textes n'a pas encore été confirmée par la jurisprudence. La solution la plus opportune, pour harmoniser ces différentes définitions et sans risquer les aléas d'un contentieux long et coûteux, consisterait certainement à ce que le législateur confirme expressément la portée de la définition civile de l'activité agricole en matière fiscale comme il a été procédé en matière sociale.

Désormais, il faut quelque peu réviser le jugement sur le caractère restrictif de la définition fiscale de l'activité agricole avec les dernières évolutions suivantes :

- en premier lieu, l'intégration de nombreuses prestations équestres au sein du champ d'application de la fiscalité agricole apparaît plus large que la réforme opérée sur le plan juridique. Ainsi, les prestations de prise en pension et de location dites "pures", c'est-à-dire sans préparation et entraînement des équidés, génèrent des recettes agricoles sur le plan fiscal, mais seraient des activités commerciales sur le plan juridique ;

- en second lieu, la législation fiscale affirme que les opérations par lesquelles une production agricole fait l'objet d'un dépôt non individualisé dans les magasins d'une entreprise qui est chargée de la stocker, de la transformer ou de réaliser d'autres prestations sur cette production et peut être reprise à l'identique ou à l'équivalent par l'exploitant restent toujours dans le giron des bénéfices agricoles (art. 38 quinquies du CGI). Est-ce à dire qu'à ce titre, un agriculteur qui ferait transformer par un prestataire extérieur la matière première qu'il a produite en reprenant le produit transformé ou son équivalent, pour en assurer la commercialisation réaliserait toujours des recettes agricoles sur le plan fiscal ? En toute hypothèse, il est permis de douter de la qualification agricole de ce type d'opérations sur le plan strictement juridique.

Pour conclure, jusqu'à une époque récente, l'absence d'harmonisation entre les définitions juridique et fiscale de l'activité agricole conduisait à constater qu'une personne pouvait être considérée comme exerçant une activité agricole sur le plan juridique tout en devant relever de la fiscalité commerciale au titre de certaines activités de diversification. La dernière évolution des textes conduit à constater l'émergence d'une nouvelle contradiction : certaines personnes peuvent relever de la fiscalité agricole alors que sur le plan juridique les activités correspondantes seraient de nature commerciale…

 

10. Une définition économique de l'activité agricole éclatée

La réglementation économique agricole doit, pour certaines mesures, faire application de critères d'éligibilité appréciés en terme de revenus, voire de temps de travail. Dans ces hypothèses, les revenus agricoles au sens strict doivent atteindre un certain montant ou représenter un certain pourcentage de l'ensemble des revenus. Dans ce cas, l'appréciation des revenus agricoles renvoie à la lecture des bénéfices agricoles. Ainsi, la définition économique de l'activité agricole se révèle aussi restrictive que la définition fiscale des bénéfices agricoles sans tenir compte de la définition civile de la loi de 1988 (par exemple en matière d'ICHN, V. sur le sujet). Dans ce cadre encore, un agriculteur peut n'exercer que des activités agricoles sur le plan civil mais être considéré comme un pluriactif au regard de cette réglementation économique et se voir ainsi éventuellement exclu du bénéfice de certaines mesures agricoles.

Il est à noter toutefois que cette réglementation d’origine communautaire a très sensiblement évolué au cours de ces dernières années pour permettre l’octroi de certaines mesures aux agriculteurs qui procèdent à la diversification de leur activités, notamment avec la mise en place de prestations touristiques qui ont pour support l’exploitation. Ainsi, la réglementation concernant les aides à l'installation des jeunes agriculteurs se réfère désormais à la définition juridique de l'activité agricole (V. sur le sujet).

(art. L. 311-1 du code rural concernant la définition juridique des activités agricoles)

 

(Tableau de synthèse des Chambres d'agriculture concernant la qualification des activités exercées par les agriculteurs)


§ 3. Les activités artisanales


11. Définition juridique

Un artisan est une personne qui exerce à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de service relevant de l'artisanat et qui n'emploie pas plus de dix salariés. Jusqu'en 2022, les personnes concernées devaient être immatriculées au répertoire des métiers tenus par les chambres de métiers et de l’artisanat. A compter de 2023, les entreprises artinasales sont immatriculées au registre national des entreprises (RNE) (art. 19 de la loi n° 96-603 du 5/07/1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat).

Plus précisément, les activités artisanales comprennent quatre familles de métiers avec : les activités de l'artisanat de l'alimentation, les activités relevant de l'artisanat du bâtiment, les activités relevant de l'artisanat de fabrication et les activités relevant de l'artisanat des services. Ces activités artisanales sont définies par l'annexe du décret n° 98-246 du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers fixant la liste des activités relevant de l'artisanat.


12. Liste indicative des professions artisanales

Les métiers artisanaux de l’alimentation comprennent notamment les activités de boulangerie-pâtisserie, biscotterie-biscuiterie, pâtisserie de conservation (sauf terminaux de cuisson), de transformation de viande, de boucherie et de charcuterie (commerce de détail de viandes et produits à base de viandes sur éventaires et marchés), de conservation et transformation des produits de la mer et de poissonnerie, de fabrication de produits laitiers, de fabrication de glaces et sorbets, chocolaterie et confiserie, de conservation et transformation de fruits et légumes et autres transformations de produits alimentaires (à l’exception des activités agricoles et de vinification). 

Les métiers artisanaux du bâtiment comprennent notamment les activités de préparation des sites et terrassement, de maçonnerie et autres travaux de construction, de couverture, plomberie, chauffage, de menuiserie, serrurerie, de travaux d’installation électrique et d’isolation, d’aménagement, agencement et finition, de location avec opérateurs de matériel de construction, de travaux sous-marins de forage ainsi que les activités artisanales extractives.

Les métiers artisanaux de fabrication comprennent notamment les activités de transformation des fibres, tissage, ennoblissement, de fabrication d'articles textiles, notamment par les couturières, les tailleurs et les modistes ; autres fabrications du textile et de la maille, de fabrication de vêtements en cuir et fourrure, de travail du cuir et fabrication de chaussures, de fabrication et réparation d'articles d'horlogerie et bijouterie, de fabrication d'instruments de musique, de fabrication d'articles de sport, de jeux et de jouets, de fabrication et réparation de meubles, du travail du bois, du papier et du carton, d'imprimerie (sauf journaux), reliure et reproduction d'enregistrements, de travail du verre et des céramiques, de fabrication de matériel agricole, de machines et d'équipements et de matériel de transport, de fabrication et réparation de machines de bureau, de matériel informatique, de machines et appareils électriques, d'équipements de radio, de télévision et de communication, de fabrication d'instruments médicaux, de précision et d'optique, de transformation de matières nucléaires, de fabrication et transformation des métaux ; produits chimiques (sauf principes actifs, sang et médicaments), caoutchouc, matières plastiques et matériaux de construction, de taxidermie et autres fabrications diverses, de récupération.

Les métiers artisanaux de services comprennent notamment les activités de réparation automobile, de cordonnerie et réparation d'articles personnels et domestiques, d'entretien et réparation de machines de bureau et de matériel informatique, de blanchisserie et pressing (sauf libre-service), de coiffure, de soins de beauté, de réparation d'objets d'art, de finition et restauration de meubles, dorure, encadrement, de spectacle de marionnettes, de préparation de plantes et de fleurs et compositions florales, de travaux photographiques, d'étalage, décoration, de taxis et transports de voyageurs par voitures de remise, d'ambulances, de contrôle technique, de déménagement, de pose d'affiches, travaux à façon, conditionnement à façon, de ramonage, nettoyage, entretien de fosses septiques et désinsectisation, de maréchalerie, d'embaumement, soins mortuaires, de toilettage d'animaux de compagnie.

 

13. Obligations de qualification professionnelle de certaines professions artisanales

Parmi la liste des professions artisanales, il est à noter une sous-liste comprenant un certain nombre de professions soumises à qualification professionnelle.

Ces activités sont énumérées par l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. Les qualifications professionnelles exigées sont précisées par le décret n° 98-246 du 2 avril 1998 relatif à la qualification professionnelle.

Il en est ainsi notamment des activités concernant la préparation ou fabrication de produits frais de boulangerie, pâtisserie, boucherie, charcuterie et poissonnerie, la préparation ou fabrication de glaces alimentaires artisanales (boulanger, pâtissier, boucher, charcutier, poissonnier et glacier). 

 

14. Limites entre activité artisanale et activité agricole

 

a. Principes

Dans certains cas, les activités de diversification exercées par les agriculteurs peuvent avoir quelques similitudes avec certaines professions artisanales, notamment lorsque les agriculteurs transforment leur production pour la commercialiser en tant que produits fermiers.

Certains organismes soutiennent que, dans ces conditions, les agriculteurs doivent être considérés comme exerçant une activité artisanale. Selon ce point de vue, les agriculteurs devraient procéder à leur immatriculation auprès du répertoire des métiers tenu par les chambres de métiers et de l’artisanat. De plus, toujours selon cet avis, les agriculteurs devraient être titulaires de la qualification professionnelle qui est en principe exigée pour certaines professions artisanales.

Dans bon nombre de cas, cette analyse n’apparaît pas fondée sur le plan juridique, dans la mesure où elle ignore la portée de la définition juridique de l’activité agricole, qui englobe les activités de diversification, dès lors que celles-ci sont dans le prolongement de l’acte de production ou ont pour support l’exploitation. Les opérations de transformation réalisées par les agriculteurs, avec les produits issus de leurs exploitations, sont des activités agricoles, même si certaines opérations sont similaires à celles exercées par des professions artisanales.

Il est vrai que la définition juridique des activités artisanales a une portée limitée, en exigeant que certains artisans soient par ailleurs immatriculés au registre du commerce en tant que commerçants en raison des opérations d’achat et de revente des produits à partir desquelles les activités artisanales sont réalisées. Ce principe ne saurait être transposé en matière agricole puisque la définition juridique de l’activité agricole a pour objet d’englober l’ensemble des activités qui se situe dans le prolongement de l’acte de production.

De même, il ne saurait être exigé des agriculteurs qui transforment les produits issus de leur production qu’ils soient titulaires de la qualification professionnelle prévue en matière artisanale par l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, dès lors que l’activité exercée est de nature agricole sur le plan juridique. A contrario, la réalisation de produits alimentaires avec des ingrédients provenant principalement d’autres producteurs constitue une activité artisanale soumise aux obligations afférentes à ce type d’activité.

 

b. Cas particulier des paysans boulangers

Sur cette problématique, le dernier avatar connu est celui des paysans-boulangers. De notre point de vue, le producteur de céréales qui transforme lui-même sa production nous semble exercer une activité agricole sans devoir être soumis à la qualification professionnelle requise pour les artisans boulangers. Cette solution suppose une réelle production des céréales par les personnes concernées et la garantie de la traçabilité de la matière première lors de la mouture éventuellement réalisée par un tiers.

Sur le sujet, la réponse du ministère de l’agriculture au député Dussopt qui s’interrogeait sur les obligations des agriculteurs qui fabriquent du pain à partir de leurs céréales aurait pu constituer l’occasion de formuler une réponse juridique claire sur un sujet sensible. L’auteur de la question faisait part des revendications des professionnels de la boulangerie concernant la fabrication de pain par les agriculteurs, lesquels professionnels dénoncent une concurrence déloyale en considérant que les agriculteurs ne sont pas soumis, contrairement aux professionnels de la boulangerie, à l'exigence de qualification prévue par la loi du 5 juillet 1996.

Au final, le ministère évite de répondre à la question juridique posée en affirmant que la fabrication de pain à la ferme ne représente qu'une part infime de cette activité et que par conséquent la filière boulangère ne peut donc se trouver concurrencée par ces démarches. Faut-il déduire de cette réponse ministérielle que les agriculteurs ne sont pas soumis, contrairement aux professionnels de la boulangerie, à l'exigence de qualification professionnelle prévue par la loi du 5 juillet 1996 ? Il est permis de penser que le ministère de l’agriculture, favorable au développement des circuits courts, estime que les agriculteurs ne sont pas en situation illégale lorsqu’ils transforment leur propre production et qu’ils peuvent donc se dispenser d’avoir à justifier d’une qualification professionnelle telle que prévue par la loi du 5 juillet 1996 (RM Dussopt du 19/10/2010 concernant les obligations des agriculteurs réalisant du pain avec leurs céréales).

 

§ 4. Les activités libérales

 

15. Définition législative

Les activités libérales sont désormais définies par l’article 29 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 qui précise en ces termes que : « Les professions libérales groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d'assurer, dans l'intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d'une déontologie professionnelle, sans préjudice des dispositions législatives applicables aux autres formes de travail indépendant ».

 

16. Professions concernées

De façon concrète, les professions libérales comprennent les prestataires qui assurent des services de nature principalement intellectuelle. Au titre de ces professions, il est généralement procédé à la distinction entre les activités libérales réglementées et les activités libérales dites non réglementées.

Les professions libérales réglementées sont soumises à un régime juridique particulier qui détermine notamment l'accès et l'exercice des professions concernées. Les membres des professions libérales réglementées sont soumis à une condition de diplômes, doivent généralement respecter des principes déontologiques et sont contrôlés par une instance professionnelle (ordre, syndicat, chambre...). Dans ce cadre, il faut citer les professions libérales du secteur médical et paramédical (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, vétérinaires, infirmiers, kinésithérapeutes…), les professions libérales du secteur juridique (avocats, commissaires priseurs, huissiers de justice, notaires, greffiers de tribunaux de commerce, administrateurs judiciaires et mandataires à la liquidation des entreprises…) et les professions techniques (experts agricoles et fonciers, experts forestiers, experts-comptables, géomètres-experts).

Les professions libérales dites non réglementées ne font pas l’objet d’un encadrement réglementaire comme les professions libérales réglementées. Certaines professions sont totalement libres sans condition de diplômes, de déclaration ou d’autorisation administrative. D’autres professions libérales dites non réglementées sont tout de même soumises à une réglementation spécifique. En vrac et sans exhaustivité aucune, il est possible de citer au titre des activités libérales dites non réglementées, les activités de consultants, formateurs, attachés de presse, traducteurs, interprètes, détectives, secrétaires à domicile, écrivains publics. Au total, cette famille comprend plus de 150 professions distinctes.

(V. la liste alphabétique complète des quelques 150 professions libérales dites non réglementées concernées sur le site internet suivant :

https://bpifrance-creation.fr/encyclopedie/trouver-proteger-tester-son-idee/verifiertester-son-idee/liste-professions-liberales

 

§ 5. Les activités simplement civiles : cas particulier des locations meublées

 

17. Activités concernées

Certaines prestations touristiques peuvent générer des recettes commerciales sur le plan fiscal sans toutefois correspondre à des activités commerciales sur le plan juridique. Sont notamment visées à ce titre certaines locations de logements meublés. Cette problématique est exposée ci-après.

Les qualifications fiscale et professionnelle ne pouvant éclairer la qualification juridique des locations meublées, il convient d’examiner les qualifications juridiques classiques. Aucune disposition législative ou réglementaire n’apporte de précision claire dans ce domaine. Le code de commerce, dont la liste des activités commerciales n’est pas exhaustive, précise que la location de meubles est commerciale. Par ailleurs, la doctrine admet unanimement que la location d’immeubles est civile (Ripert et Roblot. Traité de droit commercial. LGDJ. Tome 1).

La jurisprudence déjà ancienne précise le sort des locations de logements meublés en jugeant que la location d’un “meublé” est civile dès lors que la location des meubles n’est que l’accessoire de l’immeuble (CA Paris 24/02/1877; DP 1878, 5). Seule la doctrine permet d’éclairer l’analyse. Selon certains auteurs, il faut rechercher, espèce par espèce, quel est l’objet principal de la location. L’entreprise serait commerciale si la location d’immeuble est accessoire à la location de meubles, elle est civile dans le cas inverse (Du Rusquec, Juris-class. Com.  Fasc. 35, n° 171). L’activité hôtelière, qui est de nature commerciale, s’analyserait en une location d’immeuble accessoire à une location de meubles. La commercialité de l’hôtellerie peut aussi être fondée sur la fourniture de services, en plus de la location de meubles  (Rép. Com. Dalloz, V. Actes de commerce, 2008, n° 76, D. Houtcieff,).

Sur la base de ces différentes interprétations, il faut examiner les différentes prestations d'hébergement proposées en milieu rural (hors le cas où les activités sont juridiquement agricoles) :

- le loueur de gîte rural propose une prestation qui consiste principalement en la location d’une maison meublée et apparaît avant tout comme un loueur d’immeubles dont les meubles ne sont que l’accessoire. La qualification civile apparaît la plus appropriée, même si fiscalement les recettes perçues sont de nature commerciale. Sur ce point, la Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés estime que la location de logements meublés n’est pas assujettie à immatriculation au RCS, même si cette location s’accompagne à titre accessoire de fourniture de linge et de prestations de ménage  (Avis n° 06-08 du CCRCS du 1/04/2008). Cette qualification civile a été confirmée par la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018 qui a été précisé que les loueurs de meublés professionnels au sens fiscal n'ont pas l'obligation d'être immatriculés au registre du commerce ;

- à l’opposé, le loueur de chambres d’hôtes assorties d’une table d’hôtes met en œuvre une prestation dont l’essentiel repose sur des prestations parahôtelières et pour laquelle la location de l’immeuble, bien qu’essentielle, n’est pas prédominante. La qualification commerciale apparaît la plus probable (Avis du Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés du 8/4/1993 et du 07/07/1998) (V. sur les dernières évolutions des loueurs de chambres d'hôtes).

Entre ces deux situations à peu près claires, l’hésitation est permise pour les prestations qui se situent à mi-chemin entre les qualifications civile et commerciale. Seul un examen au cas par cas des conditions d’exercice des activités peut permettre d’apporter une réponse. L’examen consiste à déterminer sur quoi reposent principalement les prestations proposées : locations d’immeubles ou locations de meublés assorties de prestations de services.

 

§ 6. L'application de la théorie de l'accessoire

 

18. Principes théoriques

Dans certaines hypothèses, les prestataires touristiques, et notamment les agriculteurs, peuvent en même temps exercer des activités agricoles et des activités commerciales ou artisanales. Si ces deux types d'activités sont indépendants, les personnes concernées sont pluriactives et doivent respecter les obligations propres à chacune de ces activités (par exemple inscription auprès du répertoire professionnel compétent).

Dans d'autres cas, les deux activités, bien que juridiquement distinctes, sont économiquement liées, l'une étant accessoire à l'autre. Dans cette hypothèse, les tribunaux peuvent faire application de la théorie de l'accessoire pour retenir la qualification juridique de l'activité principale à l'ensemble des activités. Cette théorie de l'accessoire peut être appliquée dans les deux sens.

Ainsi, les actes civils (par exemple les actes agricoles) accessoires à une activité commerciale principale peuvent recevoir la qualification commerciale. De même, les actes commerciaux (par exemple l'achat-revente) accessoires à une activité agricole peuvent recevoir la qualification civile. Par exemple, le secrétariat d'État aux PME a formellement admis que les agriculteurs puissent exercer une activité d'achat-revente dans les limites fiscales de 30 000 € (désormais 100 000 €) et de 30 % (désormais 50 %) des recettes agricoles en complément de leur activité de vente directe (RM Aschieri JOAN 08/04/2002, n° 67446). Cela étant, cette réponse ministérielle aurait mérité d'être plus explicite en précisant notamment si dans cette hypothèse, les agriculteurs sont dispensés ou non d'être immatriculés au registre du commerce au titre de cette activité accessoire d'achat-revente.

 

19. Critères de la théorie de l’accessoire

Les limites de la théorie de l’accessoire sont difficiles à apprécier. Il semble pour cela qu'il faille appliquer à la fois un critère quantitatif et un critère qualitatif. Sur le plan quantitatif, en l'état actuel de la jurisprudence, on ne peut pas affirmer qu'il suffit qu'une activité soit majoritaire (plus de 50 % des revenus ou du chiffre d'affaires) pour faire intervenir cette théorie et ainsi retenir une qualification unique des activités. Il semble plutôt que les actes accessoires doivent être des actes complémentaires dont l'importance est limitée.

Sur le plan qualitatif, un lien de nécessité doit exister entre les deux activités. Autrement dit, pour reprendre les propos d'un auteur, il faut distinguer entre "une activité accessoire qui est un ensemble d'actes qui ne peuvent se concevoir indépendamment d'une activité plus importante avec laquelle on cherche à les fusionner parce qu'ils concourent à son développement" et "l'activité secondaire qui se conçoit sur un plan juridique, indépendamment d'une autre activité et qui est autonome" (V. L. Casaux).

Cette théorie de l'accessoire qui a donné lieu à un certain nombre d'applications par les tribunaux, tant sur le plan civil que commercial, repose sur des décisions anciennes dont on ne peut systématiser de façon certaine les critères et les limites.

On ne peut, à la différence du droit fiscal qui comprend des seuils chiffrés incontournables de rattachement à l'activité principale, affirmer sur le plan juridique qu'il conviendrait d'appliquer telle ou telle limite ; sachant de plus, que les situations peuvent être très évolutives dans ce domaine. D'ailleurs, il faut noter que le mécanisme de rattachement fiscal des recettes commerciales (BIC) ou non commerciales (BNC) aux recettes agricoles est applicable par les exploitants qui relèvent d'un régime réel d'imposition des bénéfices agricoles dans les limites désormais fixées à 100 000 € et 50 % des recettes agricoles TTC (V. sur le sujet) sans que cela signifie nécessairement qu'il s'agit d'activités accessoires au sens juridique. Ce dispositif fiscal peut être mis en œuvre pour des activités qui nécessitent sur le plan juridique leur déclaration en tant qu'activité commerciale, artisanale ou libérale, soit en raison de leur importance, soit en l'absence de lien suffisant avec l'exploitation agricole.

En d'autres termes, dans certains cas, un agriculteur peut relever du seul régime fiscal des bénéfices agricoles réels, incluant le rattachement de recettes commerciales ou non commerciales et devoir par ailleurs être immatriculé au registre du commerce ou au répertoire des métiers en raison du caractère commercial ou artisanal des activités exercées sur le plan juridique. A notre sens, cette situation ne peut concerner que les entreprises individuelles. En revanche, une société civile agricole, qui sur le plan fiscal peut procéder au même rattachement avec les limites précitées, ne saurait, sur le plan juridique, cumuler l'exercice d'activités agricoles et d'activités non agricoles en raison de l'objet de ces sociétés qui doit être agricole.

Dans ces conditions, certains exploitants peuvent préférer mettre en place une société de forme commerciale (SARL, SNC ou SAS) pour exercer en leur sein des activités agricoles et des activités non agricoles, alors même que les activités agricoles sont prépondérantes. Si la configuration de ces sociétés leur permet encore de relever du régime de l'impôt sur le revenu, aucune disposition ne leur interdit de faire application de la fiscalité agricole tout en ayant un objet mixte, agricole et non agricole.

Sur le plan jurisprudentiel, il convient de noter l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles qui a enjoint un GAEC de cesser les activités de travaux d'entreprise agricoles que celui-ci avait débutées au motif que celles-ci ne pouvaient relever de son objet (CA Versailles, 10/02/1994, n° 112). A l'opposé, la Cour de cassation a admis que les activités d'achat-revente exercées de façon limitée, par des agriculteurs exerçant principalement une activité de vente directe de leur propre production, ne soient pas considérées comme des activités commerciales (Cass. soc. 22/10/1970, n° 69-11855 ; Cass. soc. 14/02/1992, n° 90-14716).

(V. Article de la revue des Chambres d'agriculture qui illustre la difficulté d'appréciation de la notion d'accessoire)

 

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