SOMMAIRE PARTIE FISCALE

Introduction
 

  Chap 1. Imposition bénéfices

Introduction

S 1. Définition des revenus et IR

S 2. Détermination des revenus nets

S 3. Impôt sur les sociétés

S 4. Obligations comptables

 

Chap 2. Taxe sur valeur ajoutée

Introduction

S 1. Régime général de TVA

S 2. Confusion des régimes de TVA

S 3. Activités exonérées de TVA

S 4. Taux de TVA applicables

S 5. Taux réduit de TVA et travaux

S 6. Livraisons à soi-même

 

Chap 3. Fiscalité locale

Introduction

S 1. Contribution économique territoriale

S 2. Taxe foncière sur le bâti

S 3. Taxe d'habitation

S 4. Taxe foncière sur le non bâti

S 5. Taxe des ordures ménagères

S 6. Taxe sur la publicité extérieure

S 7. Taxes de séjour

S 8. Taxes locales d'urbanisme

  

Chap 4. Autres impôts

Introduction

S 1. Droits d'enregistrement

S 2. Contributions sociales : CSG et autres

S 3. Contribution sur les revenus locatifs

S 4. Redevances TV, SACEM et SPRE

S 5. Redevance d'archéologie préventive

 

Chap 5. Particularités Activités

Introduction

S 1. Logements meublés

S 2. Chambres d’hôtes

S 3. Hébergement de plein air

S 4. Activités équestres

S 5. Vente de produits fermiers

S 6. Visites d’exploitation

 

I    Accueil    I    Sommaire    I    Juridique    I    Fiscal    I    Social    I    Annexes    I    Nouveautés    I    Index alphabétique    I

Partie 2. LES ASPECTS FISCAUX DU TOURISME RURAL

 

Chapitre 4. Les autres impôts et taxes applicables aux activités touristiques en milieu rural

 

Section 1. Les droits d'enregistrement applicables

 

1. Objet

Les droits d'enregistrement constituent une catégorie particulière d'impôts divers qui s'appliquent notamment aux transferts de propriété ou de jouissance. Il s’agit principalement des droits de mutations à titre onéreux des immeubles et des droits de donation ou de succession.

Le présent développement examine les hypothèses qui concernent cette catégorie d'impôts et les activités touristiques en abordant successivement :

- les droits de mutation applicables aux ventes d'immeubles (§ 1) ;

- les droits dus pour les cessions de fonds de commerce, de fonds agricole ou de clientèle (§ 2) ;

- les droits de succession ou de donation avec les abattements applicables à certaines entreprises et aux biens ruraux loués par bail à long terme (§ 3).

 

§ 1. Les droits d’enregistrement applicables aux ventes d’immeubles

 

2. Principes

D’une façon générale, les ventes d’immeubles sont en principe soumises au paiement de droits d’enregistrement appelés improprement "frais de notaires" dans la mesure où ces derniers assurent simplement le recouvrement des impôts pour le compte du Trésor public lors de l’établissement de l’acte notarié constatant le transfert de propriété des biens concernés. Les droits d’enregistrement dus lors de la mutation des immeubles se dénomment plus précisément taxe de publicité foncière ou droit de vente d’immeubles.

Les impôts dus sont des impôts proportionnels calculés sur la base de la valeur vénale des biens qui font l’objet de la mutation. Le taux proportionnel applicable peut varier selon la nature et l’affectation des biens concernés. L’affectation des biens à un usage commercial tel que l’exercice d’activités d’accueil touristique est déterminante pour calculer l’impôt dû. Cela étant, les réformes intervenues au début des années 2000 ont sensiblement allégé les droits applicables et ont restreint les distorsions de taux selon l’affectation des immeubles. Ces réformes sont heureuses à un double titre. En premier lieu, elles ont réduit le montant de l’impôt applicable. En second lieu, elles limitent les cas de redressements fiscaux ou à défaut leur montant.

 

3. Taux de droit commun global de 5 %

Le taux de mutation de droit commun applicable aux ventes d’immeubles comprend un droit départemental qui s’élève désormais à 3,80 % (art. 1594 D du CGI). Les conseils généraux peuvent modifier ce taux sans que celui-ci ne puisse être réduit à moins de 1,20 % ou être relevé au-delà de 3,80 %.

Au droit proportionnel de 3,80 % perçu au profit des départements, il convient d’ajouter, d’une part, la taxe additionnelle perçue au profit des communes dont le taux s’élève à 1,20 % et, d’autre part, le prélèvement perçu au profit de l’État au titre des frais d’assiette et de recouvrement dont le montant s’élève à 2,50 % du droit départemental.

Au total, le montant total des droits d’enregistrement applicables aux ventes de biens immobiliers s’élève à 5,09 %.

Les réformes intervenues dans le cadre des lois de finances pour 1999 et 2000 ont mis fin à certaines différences de taux qui pouvaient exister. Précédemment, les ventes d’immeubles d’habitation étaient soumises à un droit départemental compris entre 4,20 % et 5 %. Par ailleurs, les ventes d’immeubles à usage commercial étaient soumises à un droit départemental de 13,80 %. Ainsi, les immeubles destinés à la location en meublé étaient soumis à ce taux de 13,80 %.

Ces différences de taux constituaient autant de chausse-trappes pour les personnes qui achetaient des immeubles d’habitation alors que ceux-ci étaient finalement affectés à un usage touristique considéré comme commercial au sens fiscal.

 

4. Droits de mutation particuliers applicables aux immeubles ruraux

L’acquisition d’immeubles ruraux est en principe soumise au taux de droit commun dont le montant total s’élève à 5,09 %. Toutefois, certaines acquisitions peuvent bénéficier d’un régime de faveur avec l’application d’un taux réduit, voire d’une exonération. L’application de ces régimes particuliers se limite en principe aux seules acquisitions d’immeubles affectés à un usage agricole entendu au sens fiscal.

D’une façon générale, il convient d’être particulièrement vigilant sur l’application de ces différents régimes de faveur qui peuvent être  partiellement ou totalement remis en cause si les biens sont affectés à un usage touristique, considéré comme commercial sur le plan fiscal, pendant les durées d’engagement souscrites par les acquéreurs.

La réforme juridique et fiscale des prestations équestres désormais considérées comme étant des activités agricoles conduit à s'interroger sur l'application des régimes particuliers des droits d'enregistrement concernant l'acquisition d'immeubles affectés à ces activités. Formellement, la réforme fiscale ne concerne que l'impôt sur le revenu, la TVA et les impôts locaux. Il est toutefois permis de penser que la qualification fiscale agricole des activités concernées conduit à la mise en œuvre de ces régimes particuliers dès lors que l'acquéreur remplit les conditions exigées.

 

a. Acquisitions d’immeubles ruraux auprès des SAFER

Les rétrocessions d'immeubles ruraux réalisées par les SAFER (Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural) ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor depuis le 1er janvier 1999 pour les biens affectés à l’activité agricole au sens fiscal (art. 1028 et s. du CGI ; BOI-ENR-DMTOI-10-70-40). Ce régime de faveur est applicable à la condition que l'acquéreur respecte l'obligation de conserver l'affectation agricole des immeubles pendant dix ans. Autrement dit, l'acquisition auprès d’une SAFER d’une propriété rurale qui n’est pas affectée à un usage agricole au sens fiscal ne peut pas prétendre à l’exonération de droit d’enregistrement et doit être soumise au taux de droit commun dont le montant s’élève à 5,09 %. Il en est ainsi des immeubles qui sont affectés à une activité d’accueil touristique. De même, un changement d'affectation pendant le délai de dix ans pour une utilisation non agricole des immeubles acquis entraîne une remise en cause du régime de faveur appliqué lors de la rétrocession. Cette remise  en cause donne lieu au paiement du taux de droit commun auquel sont ajoutés les intérêts de retard pour la partie des biens qui ne sont plus affectés à un usage agricole au sens strict.

Il est à noter la jurisprudence a priori favorable de la Cour de cassation qui estime qu’un acquéreur ayant bénéficié du régime de faveur pour l’acquisition d’un domaine immobilier ne doit pas voir remis en cause ce dispositif en raison de l'exploitation de chambres d'hôtes, dès lors que cette activité n'avait pas enlevé au bien acquis sa fonction initiale de centre de l'exploitation agricole (Cass. 3/04/2007, n° 06-10562). Cet arrêt de la Cour de cassation, sans aucun doute favorable, est cependant loin d'être explicite. En premier lieu, l'administration fiscale s’est abstenue de commenter cette décision afin de préciser la portée de cette jurisprudence. De plus, les juges semblent admettre cette solution dans la mesure où les activités d'accueil sont accessoires. Enfin, cette décision est rendue dans la seule matière des droits d'enregistrement et par les juridictions de l'ordre judiciaire compétentes en ce domaine. En d'autres termes, il faut certainement se garder de transposer ce type de jurisprudence dans les autres domaines fiscaux qui relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre administratif.

 

b. Acquisitions par les exploitants fermiers

Les exploitants fermiers qui acquièrent les biens loués peuvent bénéficier d'un taux réduit de 0,715 % applicable aux acquisitions d'immeubles ruraux (art. 1594 F quinquies D-I du CGI ; BOI-ENR-DMTOI-10-70-30). Pour ce faire, les immeubles acquis doivent avoir été exploités en vertu d'un bail conclu depuis au moins deux ans et l'acquéreur doit prendre l'engagement, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de mettre personnellement en valeur les biens pendant un délai de cinq ans à compter de la date du transfert de propriété. A défaut de respecter cet engagement, l'acquéreur est déchu de plein droit du bénéfice du taux réduit appliqué aux immeubles concernés et est redevable du taux de droit commun et des intérêts de retard.

Ce régime de faveur doit ainsi être remis en cause lorsque les biens acquis sont affectés à une activité d'accueil touristique. Sur ce point, l'administration fiscale a précisé que les locaux d'habitation, acquis avec le bénéfice du taux réduit de 0,70 % et aménagés en gîte rural ne peuvent pas en principe être considérés comme répondant à l'engagement de mettre personnellement en valeur les biens acquis sous le régime de faveur des fermiers.

Selon l'administration, il est toutefois admis que cet engagement n'est pas méconnu si les locations saisonnières conservent un caractère nettement accessoire. Cette condition est réputée satisfaite lorsque les loyers perçus ne dépassent pas 10 % du total des recettes tirées de la propriété (BOI-ENR-DMTOI-10-70-30, § 410). Il est à noter que la déchéance du régime de faveur qui donne lieu au paiement des droits normaux ne concerne que la partie du prix d'acquisition afférente aux immeubles affectés par l'événement qui la provoque.

 

c. Acquisition d’immeubles ruraux mis en valeur par des jeunes agriculteurs installés dans le cadre des zones de revitalisation rurale (ZRR)

Les acquisitions d’immeubles ruraux par les jeunes agriculteurs bénéficiaires des aides à l’installation et installés dans le cadre des ZRR peuvent en principe prétendre à un taux réduit de 0,715 % dans la limite de 99 000 € (art. 1594 F quinquies E-I du CGI).

Ce régime est également applicable aux acquisitions réalisées dans les mêmes territoires par les personnes qui louent ensuite les biens acquis par bail à long terme à des jeunes agriculteurs bénéficiaires des aides à l’installation.

L’affectation des biens ainsi acquis à des activités touristiques devrait entraîner la remise en cause de ces régimes de faveur, sauf à invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation évoquée ci-dessus.

 

§ 2. Les droits d'enregistrement applicables aux cessions de fonds de commerce, de clientèle et de fonds agricole

 

5. Principes

Les prestataires touristiques en milieu rural peuvent être titulaires d'un fonds de commerce notamment s'ils ont sur le plan juridique la qualité de commerçant. Les prestataires qui exercent une activité civile peuvent aussi considérer être titulaires d'une clientèle. Ces différents éléments incorporels ont une certaine valeur économique que l'exploitant cédant peut souhaiter valoriser lors de la cession de son activité (V. sur le sujet).

La cession de fonds de commerce ou de clientèles est en principe soumise au paiement de droits d'enregistrement dont le montant s'élève à 3 % de la valeur vénale des éléments cédés après application d'une franchise de 23 000 €  dès lors que la valeur du fonds cédé n’excède pas 200 000 € (art. 719 du CGI). Les cessions n'excédant pas 23 000 € sont soumises au minimum de perception de 25 €.

Il est à noter que les cessions réalisées dans certaines zones du territoire font l'objet d'un régime de faveur. La fraction du prix comprise entre 23 000 € et 107 000 € est soumise au paiement d'un droit de 1 % au lieu de 3 %. Ce tarif est notamment applicable dans les zones dont la population est inférieure à 5 000 habitants et qui sont situées dans les territoires ruraux de développement prioritaire ainsi que dans les zones de revitalisation rurale (art. 722 bis du CGI).

La cession d'un fonds agricole, concept instauré par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole et codifié sous l'article L. 311-3 du code rural, peut conduire à la vente d'une clientèle agricole (V. sur le sujet). A l'origine, les  droits d'enregistrement applicables  à la cession d'un fonds agricole correspondaient au seul paiement du droit fixe de 125 €. Désormais, les actes constatant la cession à titre onéreux d'un fonds agricole, composé de tout ou partie des éléments énumérés au dernier alinéa de l'article L. 311-3 du code rural et de la pêche maritime, sont enregistrés gratuitement (art. 732 du CGI). Il faut noter que le fonds agricole n'existe que dans la mesure où l'entreprise a procédé à sa déclaration auprès du centre de formalités des entreprises de la chambre d’agriculture. Dans ces conditions, il convient de s'interroger sur le tarif fiscal applicable si un exploitant procède à la vente d'une clientèle sans avoir déclaré préalablement l'existence du fonds agricole. Une application littérale de la législation fiscale pourrait conduire à la mise en œuvre du taux proportionnel de 3 % en lieu et place du droit fixe.

Dans ces conditions, il ne peut qu'être recommandé de déclarer l'existence du fonds agricole auprès du centre de formalités des entreprises agricoles avant de procéder à la cession d'une clientèle agricole.

 

§ 3. Les droits de succession ou de donation

 

6. Principes

Dans certaines conditions, les transmissions à titre gratuit d'entreprises individuelles et de parts de sociétés exerçant une activité professionnelle peuvent faire l'objet d'un abattement de 75 % sur la valeur des biens transmis, réduisant d'autant les droits de succession ou de donation (art. 787 B et 787 C du CGI ; BOI-ENR-DMTG-10-20-40).

Ce régime fiscal favorable n'est envisageable que pour les activités exercées à titre professionnel d'un point de vue juridique. Les loueurs de meublés non professionnels apparaissent exclus de ce dispositif.

De plus, les biens affectés à l’exploitation doivent être des biens nécessaires à l’exercice de la profession. Ce critère est donc indépendant de l’inscription du bien à l’actif du bilan de l’entreprise. Ainsi, les biens non affectés à l’exploitation, tels que des immeubles à usage d’habitation sont exclus du bénéfice de l’exonération partielle même s’ils sont inscrits à l’actif du bilan de l’exploitation individuelle ou de la société. Dans ces conditions, il est permis de s'interroger sur le bien-fondé de la mise en œuvre de ce dispositif pour la valeur d'immeubles meublés au titre de locations non professionnelles inscrits au bilan d'une entreprise. Il est à noter, cependant, la position favorable de l'administration qui semble admettre l'application de ce dispositif en cas de transmission de parts de sociétés dont le patrimoine est accessoirement composé de biens non professionnels (RM Bobe, JOAN 24/10/2006, n° 94047 reprise au sein du BOFIP).

Par ailleurs, les propriétaires bailleurs de biens ruraux peuvent, si les biens sont loués par bail à long terme, éventuellement dans le cadre d'un GFA (Groupement Foncier Agricole), faire bénéficier leurs héritiers d'une exonération partielle des droits de succession ou de donation lors de la transmission gratuite de ces biens (art. 793 du CGI). Aussi, il convient de s’interroger sur les conséquences fiscales de l’affectation des biens concernés à l’exercice d’activités touristiques pour éviter la remise en cause de cette exonération fiscale.

 

7. Exonération des biens ruraux et activités touristiques

La transmission à titre gratuit de biens immobiliers agricoles loués par bail à long terme, ainsi que de parts sociales de groupements fonciers agricoles (GFA), fait l’objet d’une exonération fiscale partielle qui se concrétise par un abattement de 75 % jusqu’à 100 000 € actualisés et de 50 % au-delà (art. 793 du CGI ; BOI-ENR-DMTG-10-20-30-20). La question est de savoir si cette exonération partielle des droits de succession ou de donation peut être appliquée si les biens loués sont affectés à l'exercice d'une activité touristique. Il faut rappeler que cette exonération s'applique à des biens immobiliers en principe affectés à un usage agricole au sens fiscal (productions animales et végétales) alors que les activités touristiques sont de nature commerciale sur le plan fiscal.

L'administration fiscale avait précisé son analyse dans le cadre de plusieurs réponses ministérielles. La position de l'administration semblait toutefois avoir évolué pour comporter à ce jour une réponse quelque peu restrictive. Dans un premier temps, l'administration a ainsi indiqué que l'exercice d'activités touristiques par les exploitants fermiers dans le cadre de biens loués était possible sans risquer la remise en cause de l'exonération partielle visée ci-dessus dans la mesure où ces activités sont compatibles avec le statut du fermage (RM. Geoffroy n° 9381, JO Sénat 10/02/1983 p. 246 ; RM. François n° 9875, JO Sénat 05/05/88, p. 613).Ultérieurement, l'administration a précisé que le maintien de cette exonération est possible dans la mesure où les activités touristiques conservent un caractère accessoire au sens de l'article 52 ter du CGI (chiffre d'affaires touristique inférieur à 150 000 F TTC) (RM Descamps, JO AN. 20/12/1993, n° 5755). Cette réponse laissait perplexe à un double titre. En premier lieu, la référence à l’article 52 ter du CGI concernant les recettes commerciales réalisées par les agriculteurs au forfait agricole relative à l'imposition des bénéfices commerciaux n'apparaît pas fondée. Il faut rappeler que cet article a été abrogé dans le cadre de la réforme des régimes d’imposition des BIC intervenue dans le cadre de la loi de finances pour 1999. De plus, cet article ne concernait que les exploitants soumis au régime des bénéfices forfaitaires agricoles. Enfin, ce régime particulier de déclaration et d'imposition simplifiée (avec abattement de 50 %) ne constituait aucunement un régime obligatoire et le seuil de 150 000 F n'était nullement une limite ou une tolérance au-delà de laquelle l'exercice des activités touristiques était remis en cause.

Il est surprenant de conditionner l'application du régime fiscal applicable au bailleur et ses héritiers par l'importance des recettes touristiques réalisées par le preneur. Pourquoi en effet sanctionner le bailleur du fait de l'importance des recettes réalisées par l'exploitant ? Comment d'ailleurs le bailleur peut-il s'assurer du respect de cette limitation par le fermier ? Quelle pourrait être l'éventuelle responsabilité du fermier qui du fait de l'importance de ses recettes touristiques remettrait en cause le régime d'exonération fiscale du bailleur ou de ses héritiers ?

L'ensemble de ces précisions ne semble pas avoir été repris par le BOFIP.

 

8. Exonération partielle des GFA et location de bâtiments affectés à une activité touristique

Dans quelle mesure un groupement foncier agricole (GFA) peut être propriétaire d'immeubles affectés à une activité touristique ? Est-il possible d'envisager cette situation sans risquer la remise en cause de l'exonération partielle des droits de donation ou de succession ? Quel est le régime fiscal applicable aux recettes provenant de ces locations ?

Ces questions nécessitent d'être examinées sous l'angle de trois hypothèses principales distinctes :

- le GFA loue les immeubles dans le cadre d'un bail rural à long terme portant sur l'ensemble d'une exploitation agricole auprès d'un exploitant fermier qui procède à l'activité touristique (a) ;

- le GFA loue les bâtiments nus en dehors du bail à long terme à un tiers qui réalise les locations auprès des clients (b) ;

- le GFA procède directement à la location des bâtiments notamment en tant que gîte rural auprès des clients (c).

 

a. Location par un GFA de bâtiments dans le cadre d'un bail à long terme à un fermier réalisant des activités touristiques

Sur le principe, la sous-location d'une partie des bâtiments d'habitation en tant que gîtes ruraux par le fermier apparaît compatible avec le dispositif d'exonération des droits de succession ou de donation. Interrogé par un parlementaire sur ce point, le ministère du Budget avait reconnu que le preneur d'un bail à long terme peut être autorisé par le bailleur à réaliser des sous-locations pour un usage de vacances ou de loisirs en vertu de l'article L. 411-35 du code rural, s'agissant expressément de biens loués par un GFA (RM Descamps, JOAN 20/12/1993, n° 5755). La réponse ministérielle précitée s'empresse toutefois de mentionner que les recettes de cette activité de sous-location ne doivent pas excéder la limite de l'article 52 ter du CGI dont le montant était de 150 000 F pour ne pas remettre en cause le régime d'exonération partielle des droits de succession ou de donation.

Tout d'abord, il faut rappeler que cet article a été abrogé par la loi de finances pour 2000 qui a procédé à l'extension du régime des micro-entreprises. De ce fait, cette limite de 150 000 F n'existe plus. De plus, aucune disposition législative ne fonde l'application d'une limite particulière de recettes des activités en question pour prétendre aux bénéfices de l'exonération partielle des droits de succession ou de donation portant sur les parts de GFA. Il est à noter que l'administration avait antérieurement admis l'exercice de ces activités sans restriction particulière (RM Geoffroy, JO Sénat 10/02/1983, n° 9381).

L'ensemble de ces précisions ne semble pas avoir été repris par le BOFIP.

Cela étant, il est vrai que l'exercice d'une activité de diversification agritouristique qui deviendrait prépondérante par rapport aux activités de production animale et végétale n'est pas sans susciter d'interrogations sur l'application du régime d'exonération des droits d'enregistrement en principe réservé aux immeubles affectés aux activités de production animale et végétale.

Dans quelle mesure ce régime est compatible avec l'exercice d'activités qui juridiquement sont reconnues par le statut du fermage mais qui sur le plan fiscal génèrent des recettes commerciales ? Toutefois, est-il fondé de sanctionner les personnes titulaires des parts sociales de GFA en raison des initiatives économiques du fermier qui a développé l'exercice d'activités touristiques a priori compatibles avec le statut du fermage ?

Par ailleurs, est-ce qu'un GFA peut procéder aux dépenses d'aménagements des biens sous-loués à des fins touristiques par le fermier sans risquer la remise en cause de l'exonération partielle ? Sur ce point, la documentation de base de l'administration précise que l'exonération ne peut s'appliquer que si le patrimoine du groupement ne comprend que des immeubles à destination agricole et si la totalité de ceux-ci sont donnés à bail à long terme (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-30).

Vu l'importance des dépenses qui peuvent parfois être réalisées pour procéder à l'aménagement des gîtes ruraux, ne risque-t-on pas une remise en cause de l'exonération partielle des droits de succession ou de donation ? Faut-il faire prévaloir la nature commerciale des recettes fiscales perçues ou tenir compte de la compatibilité de l'activité avec le statut du fermage ?

Sans pouvoir préciser les limites du dispositif, il convient certainement d'être prudent sur la mise en œuvre du mécanisme d'exonération des droits de succession ou de donation dès lors que le bailleur est impliqué dans la mise en oeuvre des activités touristiques, soit par la délivrance d'une autorisation, soit par le financement des investissements.

 

b. Location par le GFA de bâtiments nus à un tiers en dehors du bail à long terme qui réalise les locations auprès des clients

Sur le plan juridique, l'article L. 322-6 du code rural précise que le GFA a pour objet soit la création ou la conservation d'une ou plusieurs exploitations agricoles, soit l'une ou l'autre de ces opérations. Faut-il exiger que l'objet se limite à la propriété d'immeubles agricoles ? Peut-on envisager que le GFA possède d'autres immeubles non affectés à l'activité agricole loués en dehors d'un bail rural à long terme ?

Sur le plan fiscal, le principe est que l'exonération partielle ne puisse être mise en œuvre qu'à la condition que les immeubles agricoles fassent l'objet d'un bail à long terme. Ce principe fait l'objet d'une application stricte par la jurisprudence de la Cour de cassation qui a ainsi jugé que le défaut de location par bail à long terme d'une partie des immeubles agricoles entraîne une remise en cause du bénéfice de l'exonération partielle (Cass. com. 30/06/1992, RJF 10/1992, n° 1435).

Cela étant, l'administration fait preuve d'une certaine souplesse en précisant que la fraction de la valeur des parts de GFA, qui correspond à d'autres biens que ceux qui sont affectés à une activité agricole, est soumise aux droits de mutation à titre gratuit dans les conditions de droit commun. Sont notamment concernés les immeubles qui ne sont pas utilisés pour les besoins de l'exploitation agricole, les valeurs mobilières (actions, obligations, titres de placement divers, ...), les stocks qui ne peuvent être considérés comme des immeubles agricoles par destination (Cass. civ. 1re, 01/12/1976), les créances diverses, telles celles détenues sur les clients, les encaisses en numéraire (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-30, n° 310).

Par déduction, il semble admis qu'un GFA puisse être propriétaire d'immeubles non agricoles non loués par bail à long terme sans que cette situation ne remette en cause le bénéfice de l'exonération partielle des droits de succession ou de donation. Force est de reconnaître que les commentaires de l'administration fiscale ne sont pas forcément aussi explicites sur cette solution. Sous réserve de confirmation de cette solution, l'exonération partielle doit dans ce cas être limitée à la portion de la valeur des parts sociales correspondant à la valeur des biens immobiliers agricoles loués par bail à long terme. Au titre des locations d'immeubles non agricoles, le GFA perçoit des revenus fonciers dès lors que les locations portent sur des immeubles nus.

 

c. Location directe par un GFA de bâtiments en tant que gîte rural auprès de clients

Sur le plan juridique, il est permis de s’interroger sur le point de savoir si ce type de locations est compatible avec l'activité d'un GFA dont l’objet est la création ou la conservation d'une ou plusieurs exploitations agricoles (art. L. 322-6 du code rural). Peut-on admettre que ce groupement ne limite pas exclusivement son objet à la détention d'immeubles agricoles ? Cette solution nécessiterait que la location de gîtes ruraux constitue juridiquement une activité civile. Cette qualification supposerait que les prestations parahôtelières soient limitées.

Cela étant, le même doute subsiste sur l'absence de risque de remise en cause du régime d'exonération des droits d'enregistrement en présence d'immeubles non agricoles. Sous réserve de la validation de cette hypothèse, cette situation conduirait à circonscrire le bénéfice de l'exonération partielle des droits de succession ou de donation à la seule valeur des immeubles agricoles donnés en location par bail à long terme, à l'exclusion des biens loués en tant que gîtes ruraux.

Il est à noter que sur le plan fiscal, le GFA perçoit dans cette hypothèse des recettes de nature commerciale au titre des locations meublées comme tout loueur de meublés alors même que juridiquement il s'agit d'une activité civile. Cette situation a pour conséquence d'entraîner l'application du régime de l'impôt sur les sociétés en lieu et place de l'impôt sur le revenu et de la déclaration par chaque associé de revenus fonciers. Cela étant, le régime de l'impôt sur les sociétés n'apparaît pas incompatible avec le régime de faveur des droits de mutation à titre gratuit.

La documentation de base de l'administration fiscale précise toutefois que pour éviter les conséquences excessives de la taxation des sociétés civiles à l'impôt sur les sociétés, il a été décidé de ne pas soumettre ces sociétés à ce régime d'imposition des bénéfices tant que le montant hors taxes de leurs recettes de nature commerciale n'excède pas 10 % du montant de leurs recettes totales hors taxes (BOI-IS-CHAMP-10-30). Dans cette hypothèse, il ne saurait être fait application des limites de rattachement de 100 000 € et de 50 % des recettes agricoles telles que formulées par l'article 206-2 du CGI qui ne vise que les sociétés qui exercent une activité agricole entendue au sens fiscal.

Cette tolérance fiscale conduit à s'interroger sur les modalités d'imposition des recettes commerciales perçues en deçà de la limite de 10 %. Peut-on envisager de déclarer les recettes commerciales dans le cadre du régime d'imposition des revenus fonciers ? Aucune disposition ne semble l'envisager. Le régime des micro-entreprises est bien évidemment exclu puisque ce dernier ne peut être mis en œuvre que par les seules personnes physiques à l'exclusion de toute personne morale. Dans ces conditions, il apparaîtrait nécessaire de faire application d'un régime réel des bénéfices industriels et commerciaux à l'instar des sociétés agricoles au micro-BA qui perçoivent des recettes commerciales en dessous des limites de 100 000 € et de 50 % des recettes agricoles.

A l'évidence, la présence de biens immobiliers affectés à une activité touristique au sein d'un GFA n'est pas sans soulever de questions et les réponses sont loin d'être certaines pour affirmer que l'exonération partielle des droits de succession ou de donation ne risque pas de remise en cause. Dans ces conditions, afin de prévenir tout risque de remise en cause de ce régime d'exonération, il peut être préférable d'extraire les biens des GFA concernés pour éventuellement organiser leur détention dans le cadre d'une société civile immobilière (SCI).

 

 

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